mercredi, février 06, 2008

LES BIRMANS EN FRANCE par Claude Delachet-Guillon

Comité de Soutien Européen aux Femmes et Enfants de Birmanie (COSEFEB)
(article publié dans le Bulletin de Mai-Juillet 2001 de France-Pays-du Mékong,mis à jour en Août 2004).

Depuis 1988, après l’écrasement par la junte militaire du grand mouvement populaire réclamant des libertés économiques et politiques, plus d’un million de Birmans se sont réfugiés ou exilés à l’étranger, et ce mouvement ne cesse de s’amplifier. La majeure partie vit, ou survit, dans les pays limitrophes, principalement en Thaïlande. Un certain nombre se sont installés en Australie et en Amérique du Nord. En Europe, la Grande Bretagne, ancien colonisateur de la Birmanie, accueille les nouveaux émigrants avec parcimonie.
L’Allemagne et les Pays Scandinaves se montrent plus généreux.Jusqu’à une date récente, pour des raisons à la fois historiques et linguistiques, la France n’était pas un pays de destination des Birmans. Leur nombre s’est longtemps limité à deux ou trois dizaines de personnes. Mais depuis quelques années, cette situation évolue. Les statistiques sur les populations étrangères étant disparates et celles sur les Français d’origine étrangère interdites, notre estimation est forcément approximative, basée sur des informations qui circulent par le « bouche à oreille », lors des nouvelles arrivées . On peut cependant penser qu’il y aurait à présent plus d’une centaine de Birmans en France.
Les premiers Birmans établis dans le pays, il y a deux ou trois décennies, étaient généralement venus pour y faire un stage professionnel ou des études supérieures. Au cours de leur séjour, certains ont rencontré, puis épousé, un Français ou une Française. Ils se sont intégrés. D’autres ont, dans un premier temps, obtenu une régularisation de leur situation de séjour grâce à un contrat de travail. Par la suite, ils sont devenus Français, et certains ont fait venir de Birmanie des membres de leur famille.À partir de 1988, de nouvelles catégories ont commencé d’arriver : des réfugiés, des migrants à la recherche d’une vie meilleure, et des conjointes de Français qui les ont connues en Birmanie.
REFUGIÉS
Depuis 1988, quelques dizaines de Birmans, de diverses origines ethniques, ont demandé l’asile politique. Un très petit nombre a obtenu le statut de réfugié au titre de la Convention de Genève, mais ce nombre a augmenté ces dernières années. Par ailleurs, des Français travaillant en Thaïlande sont revenus en France avec des conjoints rencontrés lors de missions humanitaires dans des camps, ou hors des camps. Tous ces réfugiés, qu’ils soient arrivés par leurs propres moyens ou avec un conjoint Français, ont subi des persécutions en Birmanie en raison de leurs opinions ou de leur appartenance ethnique, ou des activités politiques de l’un des membres de leur famille. Certains ont vécu une véritable odyssée dans leur fuite.
MIGRANTS A LA RECHERCHE D'UNE VIE MEILEURE ET CONJOINTS DE FRANCAIS
Depuis 1996, les efforts faits par la junte militaire pour attirer des hommes d’affaires et des touristes ont conduit de nombreux Français à se rendre en Birmanie. Les membres des groupes touristiques canalisés dans des circuits balisés et aseptisés, où le confort est assuré, n’ont généralement pas conscience de la vie quotidienne de la population du pays : peur, répression, pauvreté. Mais parmi les Birmans qui les voient passer, beaucoup se prennent à rêver d’un départ vers les pays de cocagne d’où viennent ces étrangers fortunés. D’autres visiteurs, qui voyagent de façon individuelle, recherchent des contacts avec les Birmans, et lorsque ces contacts s’établissent, ils sont séduits par leur gentillesse. Certains tombent amoureux de jeunes femmes, qu’ils veulent immédiatement épouser.
D’autres souhaitent aider des jeunes gens qui leur parlent de leur absence de perspectives pour leur avenir. Quand un Birman veut quitter son pays, il lui faut des moyens financiers importants, car tout s’achète, y compris la possibilité de contourner les lois xénophobes qui mettent des entraves aux mariages interculturels. Ce contexte de corruption est propice aux filières de fournisseurs de faux passeports, de vrais faux visas, et de tout document introuvable, mais exigé par une administration aussi vétilleuse que corrompue. Mais c’est grâce à cette corruption que, depuis quelques années, on voit arriver en France de plus en plus de Birmans. Ceux qui tentent l’aventure d’une vie meilleure ne sont pas les plus pauvres dans leur pays.
Mais s’ils y retournaient, ils le deviendraient sans doute, car ils ont généralement vendu leurs biens pour payer les filières de passeurs. Ceux qui ont trouvé une âme sœur française bénéficient de son aide financière. Aussi on peut penser qu’ils obtiendront, tôt ou tard, le soutien de leur conjoint pour faire venir en France d’autres membres de la famille. Pour l’instant, les Birmans de France ne constituent pas une communauté, au sens où ils n’ont pas créé d’associations ni de lieux qui les rassemblent. La raison de cette absence de structuration tient moins au petit nombre des émigrants qu’à la diversité de leurs motivations et des chemins de leur exil. Actuellement, chacun vit son aventure de manière quasi individuelle, et les groupes ethniques et religieux du pays se reforment, à une échelle minuscule. Si le nombre des émigrants augmente, ces groupes augmenteront.
Mais sans une résolution des conflits existant entre ces groupes dans le pays d’origine, la chance est mince de les voir se constituer en communauté structurée. Car même dans l’exil, ces conflits demeurent…

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